Rencontre avec
Matthieu Bonhomme
autour de L’homme qui tua Lucky Luke
organisée par la Librairie Bulle le 17/04/2016
animée et retranscrite par Agnès Deyzieux
AD Comment es-tu vous devenu auteur de bande dessinée ? Est-ce plutôt par
goût du dessin ou plutôt par envie de raconter et de développer des
récits ?
MB J’aimais les
histoires quand j’étais petit et j’ai pris progressivement goût au dessin. J’ai
toujours dessiné enfant, je faisais des ateliers le mercredi. Quand je suis
arrivé au lycée, j’ai pris conscience que mon orientation classique ne me
convenait plus, j’avais des notes assez moyennes et j’étais triste à l’école.
J’ai appris qu’il y avait des filières de dessin, je me suis donc orienté vers
des écoles d’art. Plus j’apprenais le dessin, plus je m’amusais et j’étais
heureux aussi ! Et progressivement, je me suis orienté vers la bande
dessinée. Plus je travaillais la bande dessinée, plus je me rendais compte de
l’importance de l’histoire. J’ai découvert en école d’art plein d’auteurs que
je ne connaissais pas, des nouveaux comme des anciens. Je faisais ainsi ma
culture ! Parfois, je me rendais compte qu’un album que j’avais a priori
trouvé moche, me transportait à la lecture. Je partais complètement dans
l’histoire, dans l’univers du dessinateur. Ce qui faisait le sel même de ce qui
m’avait plu en bande dessinée, c’était l’histoire et la façon de la raconter.
Après ces écoles d’art où j’avais appris à dessiner, j’ai voulu apprendre la
bande dessinée. Puisqu’il ne suffisait pas de savoir dessiner et que l’intérêt
était ailleurs ! J’ai rencontré quelques auteurs de bande dessinée
confirmés qui m’ont donné de très bons conseils et qui m’ont accompagné.
AD Des conseils de
scénario ?
MB Non, plutôt de
dessin de bande dessinée. Je voyais comment ils réfléchissaient pour servir au
mieux leurs histoires. Tout cela nourrissait beaucoup l’intérêt que je pouvais
avoir pour ce métier. Je prenais conscience qu’on pouvait faire des livres et
en vivre, de façon peut être plus évidente à cette époque-là que maintenant.
Ces auteurs m’ont aussi donné des pistes vers des journaux pour me faire
publier. Peu à peu, mes projets ont pris forme et j’ai pu publier des albums.
AD La lecture de Lucky Luke a bercé
l'enfance de beaucoup d'entre nous. Etais-tu un fan quand tu étais petit ?
MB Oui, tout à
fait ! Dans mon parcours Lucky Luke
m’a servi à prendre conscience de l’importance de l’histoire et du rôle du
dessin dans la bande dessinée. J’ai grandi avec Lucky Luke, j’ai appris à lire et à dessiner en regardant ces albums.
Quand je suis arrivé en école d’art, j’ai rejeté ces lectures enfantines. Et
puis, un jour, j’ai découvert en librairie un bouquin consacré à l’art de
Morris, un des seuls probablement qui est sorti avant celui de cette année. Il
y avait quelques dessins de commande réalisés par Morris qu’il avait réalisés
hors bande dessinée, notamment des images de couvertures de livres ou de
publicités. Tout à l’aquarelle comme un vrai illustrateur réaliste, à la Norman
Rockwell. Il donnait l’impression de savoir tout faire, d’être hyper
balèze !
Je ne comprenais pas pourquoi il dessinait comme ça dans Lucky Luke, pourquoi cela semblait si
simple ! Pourquoi ne fait-il pas comme Giraud par exemple, à nous montrer
dans chaque case, à quel point il sait tout faire, à quel point il sait si bien
dessiner ? Cela m’a fait beaucoup réfléchir : sur le fait que si Morris
savait si bien dessiner et s’il dessinait Lucky
Luke comme cela, c’est bien parce qu’il l’avait choisi et pour de
bonnes raisons ! C’est pour cela que j’avais tant aimé Lucky Luke, c’est parce que Morris
racontait si bien les histoires que Lucky
Luke était resté gravé dans mon imaginaire et dans mes plaisirs de lecture.
AD Tu as
réalisé avec Lewis Trondheim Texas
Cowboy, un récit entre hommage et parodie du western. As-tu un goût
particulier pour ce genre du western ?
MB Cela commence
par la bande dessinée franco-belge parce que quand j’étais petit, je ne
regardais la télévision que très épisodiquement, j’avais des horaires
restreints ! Donc, ma culture western, je l’ai faite par la bande
dessinée : Lucky Luke, Yakari, Buddy Longway, de là, j’ai été vers Comanche puis vers
Blueberry. C’est un genre à part en bande dessinée qui m’a bercé. Quand
j’ai commencé à faire mes premiers albums, je me sentais pas du tout prêt à
faire du western. A ce moment là, je prenais conseil auprès de Christian Rossi
et j’avais très peur de faire du sous Rossi ! Je voulais trouver mes
marques ailleurs et donc il fallait que je m’écarte du western ! Du coup,
j’ai fait une série, Le Marquis d’Anaon
qui se passe au 18ème siècle et puis, une autre au Moyen Age.
J’ai
rencontré Lewis Trondheim il y a 6 ou 7 ans, j’ai fait un livre avec lui, cela
s’est très bien passé. Il était drôle, il s’amusait à me provoquer, à me faire
dessiner des trucs incroyables. Je me suis dit que c’est lui qu’il fallait !
C’est avec lui que j’arriverais à revenir vers le western. J’y pensais de mon
côté et je n’arrivais pas à trouver l’accès, j’étais encore à faire du sous Machin.
Lui, il était complètement décomplexé par rapport à cela. Il le faisait en
s’amusant et du coup, je m’éclatais à le faire ! Cette collaboration a
vraiment bien marché, c’est pour cela qu’on en a fait un deuxième tome alors
que ce n’était pas prévu. Cette expérience m’a permis de me détendre avec le
genre, de trouver mes marques. Une fois que le barrage avait pété, je n’avais
pas envie d’arrêter le flot ! Le western, j’en veux encore !! C’est
pour cela que j’ai eu le culot, l’arrogance –je ne sais pas comment le dire –
de proposer de faire un Lucky Luke
aux éditions Dargaud !
AD Tu inaugures
avec cet album un projet lancé par
Dargaud dans le cadre des 70 ans du personnage. Quel est la teneur et à ton
avis l'intérêt de ce projet qui se tient à l'écart de la série officielle ?
MB Le premier
intérêt est effectivement de se
tenir à l’écart de la série mère !
Il y a des auteurs qui font cette série principale très bien. Moi, je ne me
sens pas de dessiner à la façon de quelqu’un d’autre, peut-être parce que j’ai
peur d’être encore le sous Untel ! J’ai donc essayé de développer mes
propres trucs avec mes repères personnels, mon univers propre. Quand j’ai
essayé de faire à la manière de, j’ai trouvé cela raté. J’ai essayé de faire de
la bande dessinée d’humour, c’était vraiment mauvais ! J’ai eu plusieurs
fois des propositions de reprise. Même si cela paraissait très intéressant et
représentait de gros contrats –un XIII
ou un Blake et Mortimer, c’est
énorme ! Mais soit l’univers n’était pas le mien soit il fallait dessiner
à la façon de quelqu’un d’autre, et cela m’aurait rendu malheureux de
faire cela ! Alors que Lucky Luke,
pas du tout ! Puisque que c’était du western, puisque c’était Lucky Luke ! Et en plus, j’avais le
doit d’amener mon point de vue sur le personnage et j’avais des choses à dire
sur ce personnage ! Etant très amateur de la série, je n’ai pas toujours
été d’accord avec certaines orientations.
Le personnage que j’avais aimé étant
petit avait beaucoup changé, la série avait vieilli dans un sens auquel je
n’adhérais plus. En proposant un Lucky Luke plus réaliste, de retour dans le
vrai western comme moi je l’avais aimé, à la John Ford, à la Howard Hawkes ou à
la Clint Eastwood, j’ai eu l’impression de lui remettre ses bottes et d’en
faire un vrai cowboy ! Cela peut paraître un peu plus sombre, il y a un
peu moins d’humour, mais c’est ainsi que vois mon cowboy !
MB C’est plutôt moi
qui ai initié le truc mais cela date de quelques années ! J’avais une
relation de longue date avec les éditions Dargaud et ça m’est arrivé souvent de
leur demander : alors Lucky Luke, est-ce qu’il y moyen de faire quelque
chose ? La réponse a été très longtemps : non, c’est compliqué… Il y
a deux ans, avec Pauline Mermet, mon éditrice, on a eu une discussion. On
venait de la charger de s’occuper des 70 ans de l’anniversaire à venir, et elle
réunissait des idées là-dessus. Mon projet est venu trouver sa place là-dedans.
J’ai senti qu’il y avait un début d’intérêt. A peine rentré à mon atelier, j’ai
envoyé deux dessins du personnage tel que je le voyais. Et je n’ai pas rouvert
d’album pour essayer de le recopier. Je me suis appuyé sur mon personnage
d’Esteban dont je trouvais depuis quelques albums qu’il avait des traits à la Lucky
Luke. Je me suis dit que j’allais faire comme si Lucky Luke, c’était Esteban
adulte !
Je suis parti de mon Esteban et je l’ai déformé vers ce réalisme
et ce personnage adulte. J’ai fait un Lucky Luke à cheval, en couleurs et un
autre dessin, avec une silhouette qui part à l’horizon dans le soleil couchant.
J’ai envoyé cela à Dargaud et j’ai l’impression que cela a fait son petit chemin,
d’un bureau à l’autre. Ça m’est revenu sous la forme d’un oui, qui a mis un peu
du temps à s’installer, après quelques étapes de validation. Après, il a fallu
que je réfléchisse à ce que voulais raconter, une autre paire de manche !
AD Un mot sur la couverture qui est dramatique avec
cette contre plongée sur Lucky Luke de face prêt à dégainer, dans une ambiance
nocturne, pluvieuse et tragique. Quant à la première planche,
elle commence très fort, puisqu'on y voit Lucky Luke couché, face dans la boue,
probablement mort, tué dans le dos. Et une voix crie : "J'ai détruit la légende, j'ai tué Lucky Luke
!". Toi, ton projet n'est pas de tuer la légende mais de jouer avec.
C'est ce que tu as voulu faire en accentuant cet aspect dramatique ?
MB Oui, j’affirme
tout de suite que je vais faire un vrai western. Pour moi, Lucky Luke est un
Jon Wayne ou un Clint Eastwood, ce n’est pas un faux cowboy, mais un personnage
emblématique de l’Ouest ! J’ai appris pas mal de choses sur Morris, entre
l’exposition qui lui est consacrée à Angoulême et le bouquin qui est sorti sur
lui. J’ai pris conscience qu’il avait débuté sa carrière vers la fin du cinéma
muet. Il avait vu les premiers westerns en muet. Après, sont arrivés les
premiers cowboys chantants, avec guitare et foulard en soie. Ensuite, les
premiers westerns de l’âge d’or d’après guerre avec les John Ford, etc… Morris
a grandi avec tout cela. Quand il a commencé Lucky Luke, je crois que Clint
Eastwood avait 17 ans ! Son Lucky Luke est contemporain de tout cela.
Et
pour moi, Lucky Luke trouve sa place là dedans, autant que ces grands acteurs
que l’on connait. La façon qu’a Morris de raconter le western est pour moi du
grand art.
Il a une façon de travailler qu’il alterne. Sa principale qualité
est de faire des images très simples, schématiques voire didactiques pour que
l’histoire passe très vite, soit très lisible. Et puis parfois, il y a des
fulgurances où il y a un plan à l’américaine ou un plan cinéma, où il est dans
la citation. Donc, une efficacité permanente entrecoupée de flashes où il
montre qu’il a appris cette grammaire, des plans sur des chevaux qui galopent,
sur Lucky Luke qui va dégainer, des gros plans sur les yeux…
Du coup, sur ma
couverture, c’est cela que j’affirme ! Un cowboy solitaire, et comme il y a
un contrejour, on ne comprend pas tout de suite que c’est lui, et puis le côté
dramatique avec l’éclair, et la référence au titre L’homme qui tua Liberty Valence de John Ford. A partir du moment où
je me suis amusé avec la mort de Lucky Luke, le titre s’est vite imposé, comme
une référence au genre et à cette époque du cinéma américain.
MB Ah, les
grenouilles ! C’est sympa que tu me poses cette question ! Evidemment, quand on fait un western
et qu’un cowboy arrive en ville, se pose la question du nom de cette ville. Je
savais déjà que le récit se passerait en montagne parce que j’avais une
histoire avec les chercheurs d’or et à cette époque là, la ruée vers l’or,
c’est dans le Nord, dans les montagnes de la Californie. Il y a effectivement
des westerns qui se déroulent en plaine, ou dans le désert et d’autres dans les
montagnes avec des pins, de la pluie ou de la neige. Je pense à un western
récent Open Range ou Impitoyable dans lequel il pleut
beaucoup ou Pale Rider où il neige. Ma
ville s’appelle Froggy Town. Ce n’est pas Frog City. Frog, c’est la grenouille,
mais Froggy, c’est le surnom donné aux Français. Donc Froggy Town, c’est la
ville des Français ! J’ai joué avec cette proximité et je me suis amusé à
mettre des grenouilles partout ! Comme il pleut, elles ont leur
place ! Je voulais que les frères Bone, qui sont très inspirés par mes
propres frères, soient français. On peut imaginer qu’ils soient arrivés par la
Nouvelle Orléans et qu’ils aient atterri là. Je n’ai pas eu le temps de
développer cet aspect-là mais j’ai gardé l’idée qu’ils étaient français et
qu’ils mangent des grenouilles.
Donc, dès que je peux, j’ai mis des
grenouilles : dès qu’il y a une flaque, dès qu’ils balancent un seau
d’eau, il y a des grenouilles ! Quand le vieux râle, il dit :
« Batraciens ! ».
Alors pourquoi ? Pour moi, le western en
bande dessinée, il est franco-belge ! Et je voulais assumer complètement cet
héritage, ce qui explique ce côté un peu chauvin. Les Américains ont inventé le
western et ont réalisé les plus beaux films et les plus beaux romans. Quand
nous, on a commencé à s’intéresser au western, eux ont arrêté pour se mettre
aux super-héros. Le western en bande dessinée vient de chez nous, de Belgique,
de Suisse et de France. C’est ce que j’ai lu dans mon enfance, je fais un
western franco-belge et Lucky Luke est archi franco-belge pour le coup !
AD Ces fameux frères Bone sont des méchants qui vont s'avérer
moins noirs que prévus, car tu leur a crée un passé et donné une dimension
psychologique assez inattendue. Qu'est-ce
qui t'a donné envie de créer cet espèce de psychodrame familial ?
MB En fait, au
départ, je voulais faire Lucky Luke à OK
Corral mais impossible, car il existe déjà ! Mais j’ai gardé un
personnage clé qui sera Doc Wednesday Il est inspiré par Doc Holliday qui
accompagne la famille Earp qui est gentille dans Ok Corral et qui va se battre
contre les méchants. Mais moi, je ne les trouve pas si gentils les Earp, plutôt
un peu border line. J’ai réfléchi sur cette fratrie, comment elle fonctionnait
et j’ai gardé quelques caractéristiques. Dans la famille Earp, il y a trois ou
quatre frères. L’aîné s’appelle Virgil, c’est un gros dur qui a fait la guerre
de Sécession et il devient sheriff de Tombstone. Son frère s’appelle Wyatt, a
priori aussi un gros dur et c’est lui qui raconte l’histoire. J’aimais bien
l’idée qu’il se soit mis à la place de son grand frère, car c’était lui qui la
racontait. Après, c’est une histoire tragique de vengeance.
J’ai voulu garder
cette histoire de frères avec ce jeu de chaises musicales entre eux. Qui est
vraiment qui ? Celui qui a l’étoile est-il véritablement le chef ?
Ensuite, j’ai pensé mettre mes frères et m’amuser avec cela. J’aimais bien
l’idée que ces frères Bone agissent pour une bonne raison. Ils ne sont pas
méchants parce qu’ils ont envie d’être méchants. Ils ne se considèrent pas
comme des méchants. Alors pourquoi sont-ils devenus tellement
désagréables ? Je les ai fais réagir comme mes frangins. Il faut savoir
que j’ai trois frères dont un est handicapé. Et donc pourquoi les frères Bone
en sont-ils là ? C’est parce qu’ils ont une façon de se comporter avec
leur petit frère, de s’en occuper. Dans l’histoire, les parents sont out, ce
sont donc les frères qui s’occupent du petit frère qui est handicapé. C’est
aussi une question personnelle que je me pose pour mon petit frère. Quand mes
parents ne seront plus là, il faudra que mes frères et moi, nous nous occupions
de notre petit frère. Enfin, on n’aura peut-être pas envie de piquer une
diligence !
AD Lucky Luke va avoir dans cette histoire un ami
qu'il rencontre assez rapidement : Doc
Wednesday, un ancien fin tireur désormais ravagé par le
tabac et l'alcool. Il va jouer un rôle très important ici, il peut apparaître même comme un double de Lucky Luke qui
aurait mal tourné. Pourquoi avoir voulu
ne pas laisser le cowboy solitaire et lui adjoindre cet ami ?
MB Oui, pour moi,
c’est vraiment le double inversé de Lucky Luke. Le thème du double revient
souvent dans Lucky Luke. Dans un des premiers albums, il tue un mec qui est
derrière un miroir qui a le même geste que lui. J’ai appris sur le tard que le
dernier album inachevé de Morris développait une histoire de double. C’est donc
un thème récurrent.
Doc Wednesday a un point commun avec Lucky Luke, il a fait
sa vie autour des armes à feu et c’est par ce biais qu’il a acquis sa
réputation. Ce sont donc deux vedettes de l’Ouest ! Un aurait tous les
vices et l’autre aucun. Leur amitié va se créer autour du fait qu’ils se
comprennent et que l’un cherche à prendre soin de l’autre. Je me suis demandé
ce qui me plaisait le plus dans les albums de Lucky Luke et c’est justement
ceux dans lequel Lucky Luke a un ami. Je pense à l’album Le Pied-Tendre que je trouve un chef d’œuvre mais aussi le 20ème de Cavalerie, Calamity Jane où Lucky Luke a une
relation d’amitié très forte, presque de copain, avec cette dame, et Des Barbelés sur la prairie.
Le temps
d’une relation d’amitié, Lucky Luke sort de sa carapace. On le découvre
sensible, humain, touchant. Et puis, enfant, je faisais un petit transfert sur
le copain, je voyais que Lucky Luke pouvait être un copain ! Du coup, la
première chose que j’ai noté, c’est Lucky Luke aura un copain ! Ensuite,
j’ai développé ce personnage de Doc Wednesday qui sert mon intrigue et qui aura
un rôle capital.
AD Le titre aurait
pu être aussi Comment Luky Luke dut arrêter de fumer. Cette histoire de tabac
introuvable court tout le long de l'album et en tant que fumeur, on plaint
vraiment Lucky Luke qui voit toutes les occasions éventuelles de pouvoir fumer
tomber à l'eau ! Qu'est-ce qui a motivé
cette trame secondaire sur
l'empêchement de fumer ?
MB Quand j’ai eu
l’autorisation de faire un Lucky Luke, j’ai assez vite demandé où était ma
liberté. Je voulais tout de suite connaître le territoire que j’avais devant
moi ! La première question a été : est-ce que j’aurais le droit de
faire fumer Lucky Luke ? La réponse a été un non catégorique, aucune
cigarette au bec possible ! J’ai retourné cette contrainte et j en ai fait
mon sujet. Cette histoire de cigarette est une question qui est importante pour
moi. Car quand j’étais petit, je lisais la série et un jour, Lucky Luke
s’arrête de fumer et je n’ai pas compris. J’avais entendu dire un journaliste qui
disait : « Lucky Luke est mort le jour où il a arrêté de fumer ».
Plein de gens n’ont effectivement pas compris et ont rejeté ce brin de paille.
Ce journaliste avait trouvé une symbolique marrante sur le fait que la série
prenait un tout autre tour et qu’on passait à autre chose, et le côté cowboy
solitaire en prenait pour son grade. Moi, je n’avais pas pigé cela !
J’avais bien une réponse marketing : la série devait être adaptée pour la
télévision au Etats-Unis, donc il fallait enlever la cigarette. Morris avait
accepté.
Mais j’ai pensé qu’il n’avait pas de raison de faire de même dans les
livres. Probablement voulait-il une cohérence ? Il a adhéré à cette idée
d’un personnage pour la jeunesse qui ne peut être un mauvais exemple. Il a donc
mis ce brin de paille, il a été récompensé pour cela et il en était très fier,
tellement fier que ses ayants droits prolongent cette décision. Ce qui fait que
je n’ai pas eu le droit de le faire fumer. Mais pour moi, il est mort le jour
où il a arrêté de fumer. C’est pour cela que le titre est L’homme qui tua Lucky Luke. Il arrête de fumer dans cet album donc
il commence par mourir !
AD Dans cet album, il y a
tous les ingrédients du western, la ruée vers l'or, les parties de poker, la bagarre au saloon, l’attaque de la diligence, la volonté d'en découdre
avec les Indiens, le duel final plein de suspense... Tous ces éléments,
comment faut-il les aborder ? Faut-il les penser comme des classiques du western
ou les exagérer, les tourner en dérision ?
MB Ça, c’est un
truc qui vient de Lewis Trondheim. Quand on a commencé à travailler sur notre
album, Texas Cowboy, on a fait la
liste de tout ce qu’on voulait voir dans un western ! On a passé trois
jours ensemble, à un festival à Québec. Lewis notait tous les mots qui nous venaient :
indien, diligence, chevaux, bottes, saloon… bref, on a fait une liste de 50
mots et il fallait qu’ils y soient tous. Je trouvais cela marrant comme
démarche ! Dans le deuxième volume, on a mis ce qu’on n’avait pas pu mettre dans
le premier, faute de place. C’était : chariot avec convoi de bestiaux,
etc… Si jamais un jour, il y avait un troisième Texas Cowboy, la liste est déjà commencée ! Les tuniques
bleues avec un fort, par exemple ! Pour cet album, j’ai fait la même
chose. Je me suis dit, il y aura : le duel, le saloon, la diligence, la
jolie nana… Mais il faut savoir ensuite les mettre en scène. Dans le saloon où
tous les cowboys se retrouvent, une confrontation tourne mal et hop, c’est la
bagarre. Après la nana entre en scène ! Elle arrive en diligence, c’est
pratique ! Quant au duel, j’ai essayé de charger le côté complotiste pour
amener Lucky Luke à bout de nerfs…
AD Comment as-tu
travaillé ton dessin ? As-tu cherché une espèce de style particulier pour
cet album ?
MB Pour cet album,
je n’ai rien fait en particulier que je n’aurai pas eu l’habitude de faire ! C’est
assez logique. Comme j’ai construit tout mon travail autour de cette école de
bande dessinée franco-belge, dont beaucoup vient de Morris, la cohérence était
déjà là. Même pour la mise en couleurs, je fais souvent des grands aplats, je
trouve cela très efficace, très lisible. Cela limite un peu les teintes et
permet de bien séquencer l’album, le rythmer visuellement, de bien différencier
les ambiances.
AD
Ton travail sur la couleur m'a
particulièrement saisie et je la trouve très réussie, dans son aspect à la fois
rétro et moderne. Il y a des ambiances
très marquées et par moment, tu n'hésites pas à rompre avec une tradition
réaliste, en faisant par exemple une diligence violette, à faire des arrière
plan jaune ou orange, à placer les personnages en silhouettes grisées…
MB Oui, la diligence
violette ! Ce qui m’a amusé sur la mise en couleurs, c’est de me dire qu’à
chaque fois que la nana était là, tout devenait rose ! C’est le seule rôle
féminin de l’histoire et je voulais une nana qui dégage, une présence qui
irradie ! Dès qu’elle arrive, elle envahit la pièce ! Quand elle
rentre dans le bureau du shériff, normalement rouge brique, clac ! Tout
devient rose ! Ce sont des codes couleurs. Quand elle arrive la nuit avec
sa robe violette, tout prend la teinte !
AD C’est un moyen
quasi surréaliste qui a en fait un effet réaliste !
MB C’est un truc
qu’avait compris Morris qui est très précurseur sur ce sujet. Il avait compris
que la couleur peut s’appliquer en décalage de l’histoire. Ce n’est pas parce
qu’il y a un arbre ou un ciel qu’il faut mettre les couleurs correspondantes.
Une fois que Morris avait dessiné sa planche, qu’il mette un jaune, un rose ou
un bleu, l’histoire ne bouge plus. Après, il raisonne comme un graphiste en
disant : premier plan sombre, arrière-plan clair, des couleurs
complémentaires, des ambiances en priorité, des impacts visuels. Bizarrement,
on pourrait penser que cela met le boxon, mais non au contraire ! C’est
l’inverse qui se passe, ça éclaire, ça hiérarchise et c’est là qu’on voit mieux
le dessin : quand les couleurs sont très simples, pas trop foncées. Quand
on commence à faire des aquarelles ou des ombres, le trait devient un volume et
tout se fond. La technique des grands aplats à la Morris permet beaucoup de
choses. Limiter les teintes permet de tenir une cohérence sur quelques pages et
ensuite, la séquence qui suit parait très différente. Si je mets toutes les
couleurs sur chaque séquence, cela paraitra monochrome ou uniforme. Pour faire
ressortir des choses, des nuits, des intérieurs, des extérieurs, des présences
féminines qui irradient, il fallait jouer cette carte du graphisme.
AD Il y a une sortie conjointe de cet album couleurs avec un album noir et blanc. Est ce que
c'est compliqué de penser en tant dessinateur ces deux versions ?
MB Je ne me
concentre pas du tout sur la couleur quand je fais mes pages. Mes autres albums
m’ont appris que plus je m’occupe du noir et blanc, plus la couleur se mettra
en place facilement ! Si je commence à dessiner en me disant, bon on verra
à la couleur si ça sort, je suis foutu ! Parce que j’évacue un problème
que je vais retrouver après. Ce sont ces pages là qui seront les plus difficiles
à réaliser, voire les plus ratées, ratées au début et ratées à la fin !
C’est vraiment au moment du noir et blanc que tout se règle. Et je dirais même
au moment du scénario. Quand la page n’est pas bonne, c’est généralement que
quelque chose n’est pas bon encore avant. Quand la séquence est bien menée, que
les personnages jouent bien, les vraies décisions sont déjà prises, elles sont
franches. Et du coup, on peut aller à fond sur le découpage: un gros plan, une
grande case paysage, ainsi que sur le dessin, puis sur la couleur !
L’album noir et blanc a sa raison d’être car j’ai tout voulu résoudre en noir
et blanc.
AD Au final, tu as
plutôt réalisé cet album dans le plaisir ou dans la pression ?
MB C’était
vraiment un grand moment de plaisir même s’il y a eu des moments de pression.
Au début, chercher les idées, mettre en place le scénario, attendre de savoir
si c’était ou pas accepté, si toute mes idées passaient. Mais il y avait aussi
beaucoup d’excitation, et c’est ce genre de petits défis qui m’a amusé. Quand
je sentais que ça passait, j’éprouvais un peu de fierté et j’étais très
stimulé ! Ce Lucky Luke est
aussi mon premier scénario de western. Depuis le temps que j’attends cela, je
suis super content !
AD Lucky Luke est reconnu immédiatement par les premiers
habitants de la ville, les enfants lui courent derrière pour la harceler de
questions, c'est une légende de son vivant ! Doc Wednesday lui dit de faire attention à lui et à son image de héros
et va lui faire promettre quelque chose. Est-ce
une façon aussi de dire que c'est compliqué de rester un héros de bande
dessinée au regard du temps et des reprises ?
MB Oui, il me
semble bien ! C’est dur d’être un personnage de bande dessinée
vieillissant mais c’est dur aussi d’être un auteur vieillissant ! Il y a
bien cette réflexion sur le temps qui passe. Dans l’histoire de Lucky Luke, il y a eu des chefs d’œuvre
qui se sont enchaînés pendant une période, c’est d’autant plus dur de rester en
haut. Jean Giraud parlait d’une crête : les auteurs progressent jusqu’à
parvenir à une crête dont ils ne se rendent pas compte, et ensuite descendent
sans en avoir plus conscience. Il disait que sa crête à lui était La Mine de l’Allemand perdu.
Tout ce
qu’il y avait après était moins bien pour lui, il avait repéré sa crête !
C’est une question qui me travaille. Il y a des moments où on progresse,
surtout au début, et puis, on se met à décliner, à vieillir. C’est rare de voir
des auteurs qui durent. Il y en a un qui m’épate toujours, c’est Sempé. C’est
un très veux monsieur, abîmé physiquement, et ce qu’il fait est toujours aussi
frais, aussi beau. Il vient de sortir une affiche pour un film qui est
magnifique. Il y a toujours la même beauté comme si c’était son premier
dessin !
Peu d’auteurs vieillissent aussi bien. Lucky Luke a décliné aussi
avec Morris qui vieillissait. C’est normal, logique mais il faut faire
attention à cela. Il faut cultiver son plaisir, et aussi cultiver des prises de
risque. C’est une responsabilité en tant qu’auteur. Quand les gens voient Lucky
Luke comme un héros, il ne peut pas se permettre de faire n’importe quoi, ni
risquer de les décevoir. Je me sens moi aussi responsable de mes personnages.
Esteban, je l’ai porté pendant 5 albums. Je réfléchis beaucoup à ce que je vais
lui faire faire dans le prochain volume. En tout cas, pas n’importe quoi car je
m’en sens responsable.
AD As-tu des projets
en cours ou des envies ?
MB Un prochain
Esteban justement ! J’ai plein d’envies mais je manque de temps pour faire
un album. En général, j’ai besoin d’un an pour réaliser un album. Pour ce Lucky
Luke, c’était un peu plus long, car c’était un gros morceau ! Je l’ai
beaucoup anticipé. Il y a toute une partie de prise de notes et de rédaction
qui ont pris du temps sur autre chose au début. Un an ensuite pour le réaliser.
C’est une durée assez normale pour un dessinateur réaliste. Mais si je commence
à avoir plus de 5 projets devant moi, ça fait beaucoup trop loin. Je suis
embêté parce que j’aimerais bien faire un 3ème Texas Cowboy, un 6ème Marquis d’Anaon, un 6ème Esteban et j’ai aussi un projet qui comporterait 3 volumes… Tout
cela fait un sacré embouteillage et je suis obligé de faire des choix qui sont
douloureux pour moi !
Questions du
public
Vous n’avez pas
eu envie de faire apparaître les Dalton ou même Rantanplan ?
MB Je les ai
complètement évincés de l’histoire. Il y a des albums sans les Dalton ou
Rantanplan. Mais on retient bien ces personnages car ils ont des personnalités
très fortes. Je ne les ai pas dessinés car j’ai un dessin réaliste ici et que
je voulais être cohérent avec cet univers. Or, ils sont très schématiques. Et
j’avais peur en les transposant d’avoir un dessin foireux. Comme dans les films
qu’il y a eu avec les Dalton, ça ne marche pas du tout de les voir, en vrais
êtres humains dans des pyjamas rayés. Je ne voulais surtout pas faire ça !
Quant à Rantanplan, c’est une satire de Rintintin, qui est un berger allemand.
Si je dessine un berger allemand en l’appelant Rantanplan, c’est complètement
foireux ! En plus, Rantanplan est un chien qui ne ressemble pas vraiment à
un chien. Le dessiner comme un chien, ça aurait été bizarre et incohérent avec
le reste. Rantanplan est un personnage qui me fait marrer quand je le vois,
mais il ne me fait pas marrer, lui. Ce qui est drôle, c’est la façon dont Jolly
Jumper réagit avec lui. Mais au final, ce n’est pas un personnage que j’aime
beaucoup. Jolly Jumper, par contre est un personnage que j’aime beaucoup, à qui
j’ai donné ici un petit rôle. Alors pourquoi je ne le fais pas parler ?
Parce qu’on est dans le semi réalisme !
Lucky Luke parle avec Jolly Jumper,
ils communiquent ensemble à leur façon. Là, je suis dans le crédible, le cowboy
et sa monture, c’est une relation intime qu’on voit aussi dans les films. Il y
a un film que j’adore, un western un peu tardif, avec Kirk Douglas, Seuls sont les indomptés. Un western assez
mélancolique sur le fait que le cowboy s’est trompé d’époque dans cette
histoire. Justement au début, il met un chapeau sur la tête de son cheval, il
rigole avec lui, on a l’impression que c’est Jolly Jumper ! Ils doivent
escalader une montagne, le cowboy lui parle comme à un copain. Bref, une
relation tout à fait crédible !
A part vos
frères, avez-vous mis d’autres personnages réels dans cette histoire ?
Non,
et je tiens à dire tout de suite que le vieux n’est pas mon père ! Je n’ai
pas prévenu mes frères ni mes parents mais mes frères se sont tous
reconnus ! Ils ont en plus un peu les mêmes prénoms. J’ai quand même
prévenu mon père que ce n’était pas lui, mais il l’avait bien compris !
C’est un album
qui est bien accueilli a priori?
MB Oui, j’ai
beaucoup de chance ! Je savais qu’en écrivant Lucky Luke en énorme, il y
aurait des gens que ça intéresserait. Après la critique, je ne savais pas trop.
D’autant que je sais que lorsqu’on s’attaque à des mythes, il y a des supers
puristes qui veulent surtout que rien ne change, même si ça a déjà changé en
fait. Je savais que j’allais les entendre mais au final je les entends moins
que ce que je craignais, et donc c’est plutôt cool ! Et j’entends aussi
beaucoup de bonnes choses !
Le papier est épais
et particulièrement agréable
MB C’est un papier
offset, au grain légèrement au dessus des albums habituels, donc un peu plus
épais.
C’est bien pour
l’impression ?
MB On m’avait
dit : c’est un papier dont il faut se méfier car il aspire un peu les
couleurs à l’impression. Ton noir risque d’être un peu gris et du coup, par
contraste, ça éteint l’ensemble du bouquin. J’ai donc fait particulièrement
attention à bien y aller sur les contrastes colorés. Et au final, à
l’impression, les couleurs étaient les mêmes que sur mon écran, ce qui fait que
c’est particulièrement contrasté ! Les couleurs sont particulièrement
vives, cela ressemble exactement à ce que je voulais. C’était une très bonne
surprise et je suis très content de la fabrication du bouquin !
Y-a t-il une
page particulière que vous affectionnez particulièrement dans cet album ?
MB Oui ! Les
voilà ! [Mathieu Bonhomme montre les pages de garde]. Quand j’ai su que
j’allais faire Lucky Luke, le premier truc que j’avais en tête était de faire
ces pages ! Quand j’étais petit, je passais des heures à regarder les
dessins de Morris, toutes les attitudes possibles de Lucky Luke quand il tire.
Dans les albums de Morris, ce sont toujours les mêmes positions et la page de
droite est le miroir de ces positions. Ce qui fait qu’il se tirait toujours
bien en face ! Sauf qu’il était gaucher de ce côté-là de la page. J’ai
donc repris ces positions à l’identique mais en le faisant toujours droitier.
Après, j’en ai rajouté d’autres…
MB Oui, celle là quand
je l’ai vu arriver, je me suis dit : prends du temps ! A un moment,
j’ai mis trop de personnages et j’ai dû en enlever. Derrière la chaise là,
j’avais mis un bonhomme et du coup, on ne voyait plus rien. J’ai dû le
supprimer. C’était marrant de faire une scène dans un saloon ! A un
moment, j’ai crevé le plafond, car je suis trop haut ! D’habitude, je fais
très attention aux proportions d’une pièce, je ne sors pas de grue lorsqu’on
est en intérieur. Donc là, j’ai triché pour donner une plus grande profondeur.
La plupart du temps, j’essaie de ne pas être trop haut quand je suis bas de
plafond ! J’aime bien aussi être au niveau du personnage, d’avoir un
regard à hauteur d’humain dans les scènes de discussion. J’ai bien aimé aussi
ici me mettre au ras du sol. Quand la diligence arrive, vu qu’on est dans un
univers boueux, se mettre au ras du sol fonctionne très bien avec les
éclaboussures. Kurosawa fait souvent cela dans ces films dans lesquels il
pleut : il met la caméra au ras du sol et on voit les gouttes qui tombent
devant nous, en rideau de pluie.
Avez-vous fait
le tour de Lucky Luke avec cet album ? Il n’y en aura jamais
d’autre ?
MB Ah, ce n’est pas
à moi de dire ! Même si l’envie est présente et que j’ai des idées…
C‘était un défi de réaliser Lucky Luke, j’étais intimidé mais j’ai eu la chance
de trouver cette brèche dans le scénario que j’ai comblée. Du coup, il faut que
j’en trouve une autre ou que je m’amuse avec autre chose dans la série.
Evidemment, le défi est encore là et peut-être même encore un peu plus
dur ! L’avantage de cet album-ci, c’est d’être une nouveauté, ce côté
découverte lui donne de l’intérêt. Un deuxième, c’est toujours un peu plus
difficile !
Merci à Matthieu Bonhomme pour sa disponibilité et sa gentillesse !
Merci à Stéphane pour les photos ! Pour en voir plus, c'est toujours ici
Vidéo du dimanche, sur le marché !